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La question agricole et le Mercosur / Bakou : naufrage des accords de Paris ?

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Une Ă©mission de Philippe Meyer, enregistrĂ©e au studio l’ArriĂšre-boutique le 22 novembre 2024.

Avec cette semaine :

  • Nicolas Baverez, essayiste et avocat.
  • François Bujon de l’Estang, ambassadeur de France.
  • Nicole Gnesotto, vice-prĂ©sidente de l’Institut Jacques Delors.
  • Marc-Olivier Padis, directeur des Ă©tudes de la fondation Terra Nova.

LA QUESTION AGRICOLE ET LE MERCOSUR

L'Union europĂ©enne et le Mercosur - le MarchĂ© commun du Sud, regroupant l’Argentine, la Bolivie, le BrĂ©sil, le Paraguay et l'Uruguay - discutent depuis 1999 d'un traitĂ© de libre-Ă©change. « La nĂ©gociation agricole a Ă©tĂ© finalisĂ©e en 2019 », prĂ©cise-t-on Ă  la Commission europĂ©enne. Pour les secteurs les plus sensibles, des quotas tarifaires ont Ă©tĂ© fixĂ©s : chaque annĂ©e, 99 000 tonnes de bƓuf, 180 000 tonnes de sucre de canne et 180 000 tonnes de volaille pourront accoster en Europe sans payer de droits de douane, ou alors minimes. Au-delĂ , les taxes habituelles s'appliqueront. Le quota de bƓuf brĂ©silien reprĂ©sente moins de 1 % de la consommation annuelle europĂ©enne et 1,2 % pour celle de sucre. Les discussions entre l'UE et le Mercosur ont repris en mars 2023 et ne portent dĂ©sormais que sur quelques questions prĂ©cises, faisant l'objet d'un « protocole additionnel ». En l'absence d'entente rapide, le Mercosur pourrait se rapprocher de la Chine, craint l'exĂ©cutif europĂ©en. Onze pays ont signĂ© une lettre pour dire leur soutien Ă  l'accord. Parmi eux, l'Allemagne, premier exportateur europĂ©en et troisiĂšme exportateur mondial, dont l'Ă©conomie est Ă  la peine. Mais la France qui s’oppose depuis 2019 Ă  l’accord, s'est lancĂ©e dans une course contre la montre, en vue de faire pencher les pays indĂ©cis.

Les agriculteurs français s'inquiĂštent de la menace d'un dĂ©barquement de denrĂ©es alimentaires sud-amĂ©ricaines Ă  bas prix, en concurrence dĂ©loyale car issues d'un modĂšle productiviste soumis Ă  des normes sociales, sanitaires et environnementales bien moins exigeantes. Ils se sentent sacrifiĂ©s quand l'Allemagne, premiĂšre puissance industrielle d'Europe, va pouvoir mieux vendre ses voitures alors que la France, premiĂšre puissance agricole d'Europe, subira les importations de viande sud-amĂ©ricaine. La FNSEA et les Jeunes Agriculteursont ont lancĂ© un mouvement de protestation, lundi, alors que la Coordination rurale a appelĂ©, mardi, Ă  des actions plus radicales, comme le blocage du fret alimentaire. Leur mobilisation intervient alors qu’en janvier se profilent les Ă©lections professionnelles pour le contrĂŽle des chambres d'agriculture. Au soutien de la colĂšre paysanne, les dĂ©cideurs politiques font front uni. L'opposition au Mercosur s'Ă©largit. AprĂšs une premiĂšre tribune signĂ©e par 200 dĂ©putĂ©s dans Le Figaro le 5 novembre, 600 parlementaires en ont signĂ© une autre le 12 dans Le Monde, adressĂ©e Ă  la prĂ©sidente de la Commission europĂ©enne. Emmanuel Macron, qui a dĂ©jĂ  fait bloquer l'accord en 2019, rĂ©pĂšte qu'« en l'Ă©tat, le traitĂ© n'est pas acceptable ». Michel Barnier a fait l'aller-retour Ă  Bruxelles le 13 novembre pour avertir que « l'impact serait dĂ©sastreux » et qu'il ne faudrait « pas passer outre la position d'un pays comme la France ». Le gouvernement va proposer un dĂ©bat au Parlement le 10 dĂ©cembre suivi d'un vote sur l'accord commercial.

BAKOU : NAUFRAGE DES ACCORDS DE PARIS ?

La 29e confĂ©rence mondiale sur le climat (COP29) s’est dĂ©roulĂ©e du 11 au 22 novembre Ă  Bakou en AzerbaĂŻdjan en l’absence de nombreux membres du G20 (qui reprĂ©sente prĂšs de 80 % des Ă©missions mondiales de gaz Ă  effet de serre) : ni les Etats-Unis, ni la Chine, ni l’Inde, ni le Canada, ni le Japon n’ont envoyĂ© de reprĂ©sentants. Les acteurs importants de la diplomatie climatique : le prĂ©sident français, le chancelier allemand et la prĂ©sidente de l’Union europĂ©enne Ă©taient Ă©galement absents. La COP29 avait pour principal objectif d’augmenter l'aide financiĂšre annuelle des pays riches. En ces temps de morositĂ© Ă©conomique, de guerres en Ukraine, Ă  Gaza et au Liban, alors que le climato-sceptique Trump a Ă©tĂ© Ă©lu aux Etats-Unis et que l’intensification des impacts climatiques se fait sentir comme rĂ©cemment en Espagne, les fossĂ©s entre les diffĂ©rents blocs de pays ne sont pas rĂ©sorbĂ©s. Face aux demandes multiples d’aides financiĂšres (le groupe Afrique Ă©voque 1.300 milliards de dollars, les ONG du Climate Action Network « au moins »1.000 milliards), l’Union europĂ©enne refuse de dĂ©voiler son jeu.

Les pays de l’Union europĂ©enne ne souhaitent pas faire de trop grandes promesses quant au montant des aides Ă  apporter aux pays en dĂ©veloppement, tout en redoutant d’apparaĂźtre comme la partie responsable du blocage. Mercredi, le commissaire europĂ©en Ă  l’action pour le climat Wopke Hoekstra a estimĂ© nĂ©cessaire de dĂ©finir d’abord ce qu’englobe le chiffrage des pays en dĂ©veloppement. Une façon de ne pas focaliser les dĂ©bats sur les chiffres et de continuer Ă  discuter de l’élargissement de la liste des contributeurs ou, au moins, de comptabiliser les aides des pays Ă©mergents, de l’intĂ©gration des investissements du privĂ©, et du fait que les aides soient orientĂ©es vers les pays les plus vulnĂ©rables. La Chine refuse d’ĂȘtre incluse dans la liste des pays contributeurs, ce qui remettrait en cause son statut de pays en dĂ©veloppement. Jeudi, la prĂ©sidence de la COP a dĂ©voilĂ© un texte Ă©voquant au moins « 1.000 milliards de dollars », mais sans prĂ©ciser de chiffrage. Une proposition jugĂ©e inacceptable par M. Hoekstra tandis que les pays en dĂ©veloppement ont proposĂ© un compromis Ă  500 milliards par an.

Avant l’Accord de Paris de 2015, les Ă©missions de gaz Ă  effet de serre augmentaient de 16 % par an. Selon les estimations de l’ONU, les politiques mises en Ɠuvre depuis 2015 ont permis de diminuer cette augmentation qui s’établirait Ă  3 % en 2030. Loin des 30 Ă  45 % de diminution nĂ©cessaires pour atteindre la neutralitĂ© carbone au milieu du siĂšcle. Selon l'Observatoire international climat et opinions publiques, un baromĂštre annuel publiĂ© par Ipsos et EDF, partout dans le monde, la prioritĂ© environnementale recule et le changement climatique inquiĂšte de moins en moins. En France, la proportion de personnes trĂšs prĂ©occupĂ©es par le sujet a baissĂ© de 35 %.

Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentĂ©e et courtoise, sur des thĂšmes nationaux et internationaux liĂ©s Ă  l’actualitĂ©. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr

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  • Nicole Gnesotto, vice-prĂ©sidente de l’Institut Jacques Delors.
  • Marc-Olivier Padis, directeur des Ă©tudes de la fondation Terra Nova.

LA QUESTION AGRICOLE ET LE MERCOSUR

L'Union europĂ©enne et le Mercosur - le MarchĂ© commun du Sud, regroupant l’Argentine, la Bolivie, le BrĂ©sil, le Paraguay et l'Uruguay - discutent depuis 1999 d'un traitĂ© de libre-Ă©change. « La nĂ©gociation agricole a Ă©tĂ© finalisĂ©e en 2019 », prĂ©cise-t-on Ă  la Commission europĂ©enne. Pour les secteurs les plus sensibles, des quotas tarifaires ont Ă©tĂ© fixĂ©s : chaque annĂ©e, 99 000 tonnes de bƓuf, 180 000 tonnes de sucre de canne et 180 000 tonnes de volaille pourront accoster en Europe sans payer de droits de douane, ou alors minimes. Au-delĂ , les taxes habituelles s'appliqueront. Le quota de bƓuf brĂ©silien reprĂ©sente moins de 1 % de la consommation annuelle europĂ©enne et 1,2 % pour celle de sucre. Les discussions entre l'UE et le Mercosur ont repris en mars 2023 et ne portent dĂ©sormais que sur quelques questions prĂ©cises, faisant l'objet d'un « protocole additionnel ». En l'absence d'entente rapide, le Mercosur pourrait se rapprocher de la Chine, craint l'exĂ©cutif europĂ©en. Onze pays ont signĂ© une lettre pour dire leur soutien Ă  l'accord. Parmi eux, l'Allemagne, premier exportateur europĂ©en et troisiĂšme exportateur mondial, dont l'Ă©conomie est Ă  la peine. Mais la France qui s’oppose depuis 2019 Ă  l’accord, s'est lancĂ©e dans une course contre la montre, en vue de faire pencher les pays indĂ©cis.

Les agriculteurs français s'inquiĂštent de la menace d'un dĂ©barquement de denrĂ©es alimentaires sud-amĂ©ricaines Ă  bas prix, en concurrence dĂ©loyale car issues d'un modĂšle productiviste soumis Ă  des normes sociales, sanitaires et environnementales bien moins exigeantes. Ils se sentent sacrifiĂ©s quand l'Allemagne, premiĂšre puissance industrielle d'Europe, va pouvoir mieux vendre ses voitures alors que la France, premiĂšre puissance agricole d'Europe, subira les importations de viande sud-amĂ©ricaine. La FNSEA et les Jeunes Agriculteursont ont lancĂ© un mouvement de protestation, lundi, alors que la Coordination rurale a appelĂ©, mardi, Ă  des actions plus radicales, comme le blocage du fret alimentaire. Leur mobilisation intervient alors qu’en janvier se profilent les Ă©lections professionnelles pour le contrĂŽle des chambres d'agriculture. Au soutien de la colĂšre paysanne, les dĂ©cideurs politiques font front uni. L'opposition au Mercosur s'Ă©largit. AprĂšs une premiĂšre tribune signĂ©e par 200 dĂ©putĂ©s dans Le Figaro le 5 novembre, 600 parlementaires en ont signĂ© une autre le 12 dans Le Monde, adressĂ©e Ă  la prĂ©sidente de la Commission europĂ©enne. Emmanuel Macron, qui a dĂ©jĂ  fait bloquer l'accord en 2019, rĂ©pĂšte qu'« en l'Ă©tat, le traitĂ© n'est pas acceptable ». Michel Barnier a fait l'aller-retour Ă  Bruxelles le 13 novembre pour avertir que « l'impact serait dĂ©sastreux » et qu'il ne faudrait « pas passer outre la position d'un pays comme la France ». Le gouvernement va proposer un dĂ©bat au Parlement le 10 dĂ©cembre suivi d'un vote sur l'accord commercial.

BAKOU : NAUFRAGE DES ACCORDS DE PARIS ?

La 29e confĂ©rence mondiale sur le climat (COP29) s’est dĂ©roulĂ©e du 11 au 22 novembre Ă  Bakou en AzerbaĂŻdjan en l’absence de nombreux membres du G20 (qui reprĂ©sente prĂšs de 80 % des Ă©missions mondiales de gaz Ă  effet de serre) : ni les Etats-Unis, ni la Chine, ni l’Inde, ni le Canada, ni le Japon n’ont envoyĂ© de reprĂ©sentants. Les acteurs importants de la diplomatie climatique : le prĂ©sident français, le chancelier allemand et la prĂ©sidente de l’Union europĂ©enne Ă©taient Ă©galement absents. La COP29 avait pour principal objectif d’augmenter l'aide financiĂšre annuelle des pays riches. En ces temps de morositĂ© Ă©conomique, de guerres en Ukraine, Ă  Gaza et au Liban, alors que le climato-sceptique Trump a Ă©tĂ© Ă©lu aux Etats-Unis et que l’intensification des impacts climatiques se fait sentir comme rĂ©cemment en Espagne, les fossĂ©s entre les diffĂ©rents blocs de pays ne sont pas rĂ©sorbĂ©s. Face aux demandes multiples d’aides financiĂšres (le groupe Afrique Ă©voque 1.300 milliards de dollars, les ONG du Climate Action Network « au moins »1.000 milliards), l’Union europĂ©enne refuse de dĂ©voiler son jeu.

Les pays de l’Union europĂ©enne ne souhaitent pas faire de trop grandes promesses quant au montant des aides Ă  apporter aux pays en dĂ©veloppement, tout en redoutant d’apparaĂźtre comme la partie responsable du blocage. Mercredi, le commissaire europĂ©en Ă  l’action pour le climat Wopke Hoekstra a estimĂ© nĂ©cessaire de dĂ©finir d’abord ce qu’englobe le chiffrage des pays en dĂ©veloppement. Une façon de ne pas focaliser les dĂ©bats sur les chiffres et de continuer Ă  discuter de l’élargissement de la liste des contributeurs ou, au moins, de comptabiliser les aides des pays Ă©mergents, de l’intĂ©gration des investissements du privĂ©, et du fait que les aides soient orientĂ©es vers les pays les plus vulnĂ©rables. La Chine refuse d’ĂȘtre incluse dans la liste des pays contributeurs, ce qui remettrait en cause son statut de pays en dĂ©veloppement. Jeudi, la prĂ©sidence de la COP a dĂ©voilĂ© un texte Ă©voquant au moins « 1.000 milliards de dollars », mais sans prĂ©ciser de chiffrage. Une proposition jugĂ©e inacceptable par M. Hoekstra tandis que les pays en dĂ©veloppement ont proposĂ© un compromis Ă  500 milliards par an.

Avant l’Accord de Paris de 2015, les Ă©missions de gaz Ă  effet de serre augmentaient de 16 % par an. Selon les estimations de l’ONU, les politiques mises en Ɠuvre depuis 2015 ont permis de diminuer cette augmentation qui s’établirait Ă  3 % en 2030. Loin des 30 Ă  45 % de diminution nĂ©cessaires pour atteindre la neutralitĂ© carbone au milieu du siĂšcle. Selon l'Observatoire international climat et opinions publiques, un baromĂštre annuel publiĂ© par Ipsos et EDF, partout dans le monde, la prioritĂ© environnementale recule et le changement climatique inquiĂšte de moins en moins. En France, la proportion de personnes trĂšs prĂ©occupĂ©es par le sujet a baissĂ© de 35 %.

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